Résumé d'une conférence du Docteur Frenck, pédiatre et psychothérapeute de famille
Ecole des Parents de Lausanne

 

Les nuits dans la famille sont différentes des jours dans la famille, la maison le jour est différente de la maison la nuit.

L'architecture familiale le jour

La maison a une porte d'entrée fermée à clé, une sonnette, un couloir, des pièces communes (salle de bains, cuisine, séjour), des pièces non communes, séparées (chambre à coucher des parents, chambre à coucher de Pierre, la chambre à coucher de Marie et de Paul,..)
Notion de territoire et de lutte constante pour le marquer: "n'entre pas dans ma chambre"… Seuls les membres de la famille ont la clé pour entrer et si on n'est pas de la famille, on utilise la sonnette et on attend l'autorisation pour entrer.
On retrouve cette clé à l'intérieur de la maison et elle équivaut un peu à un marquage du territoire (vers 7/8 ans, l'enfant voudra la clé de sa chambre, plus tard celle de son tiroir, …)

L'évolution au niveau de la chambre à coucher : On entre sans frapper chez le bébé, vers 10/12 ans on frappe et on entre sans attendre qu'il dise "entrez" :endroit dans lequel nous adultes nous prenons la liberté d'entrer car c'est chez les enfants. Vers 15/17 ans, on frappe, on attend le "entrez" et on entre.

Que faire entre 12 et 15 ans: on frappe ou pas, on entre ou on attend la permission ? C'est très variable. Ce qui va se passer la nuit est en rapport avec cette possibilité de pouvoir se séparer grâce à une porte.

On devrait appeler la chambre à coucher: chambre à rêver car on y rêve plus qu'on y dort (loisirs, travail de l'école (!), le sommeil). Or, on va devoir partager cet endroit où l'on rêve avec un intrus (frère/ sœur) qui ne rêvera pas en même temps que moi - d'où l'importance, même quand chaque enfant n'a pas sa chambre personnelle, de pouvoir créer des espaces personnels où chacun a son espace personnel pour rêver.

L'architecture familiale le soir

La "tempête familiale" commence à 17h . Elle est à son sommet à 19h, moment de la mitraillette des consignes. Le dialogue familial devient alors très vif pour se terminer par un tonitruant: " les enfants au lit "!
Puis le balaie incessant des enfants qui se relèvent commence (pipi, soif...)

Modification du rituel du coucher: pour le bébé, ce rituel est très doux, quand les enfants grandissent, ce rituel devient un affrontement qui lui-même peut devenir un rituel.

Or le rituel du coucher a une grande importance: l'histoire que l'on raconte doit être la même, racontée de la même façon. Pourquoi une telle répétition? L' histoire est une sorte de point d'ancrage, le rite permet de se rassurer, de s'ancrer. L'enfant a besoin de se rassurer au moment de se coucher car il a l'angoisse de partir quelque part, dans ses rêves et il ne sait pas où. C'est la même chose pour la mère qui quand elle dit bonne nuit se rassure.

La peur du noir, de dormir existent chez l'enfant et chez l'adulte: phénomène de résonance. C'est au moment où les deux sont confrontés au noir qu'on ressent une émotion ou une peur.

L'adolescent: retarde le moment du coucher car il a l'angoisse de ses propres rêves: début des rêves érotiques, plus consistants auxquels il ne peut pas faire face, qui lui font peur. Il change son corps, sa pensée, ses pulsions, et les rêves sont sa 1ère surprise. Alors il repousse l'heure du coucher.

Le rêve éveillé: lorsque le bébé est tranquille dans son lit, il digère ce qu'il vient de vivre et pendant ces moments là il fait des progrès psychomoteurs. Un enfant a besoin d'être seul avec lui-même et il vaut mieux attendre qu'il se manifeste pour aller le voir. Le problème est que souvent le silence de l'enfant nous inquiète, non pas à cause de ce qu'il fait mais car nous pensons à ce qu'il pourrait faire, et bien souvent nous pensons au pire.

Le rêve éveillé chez l'adolescent est tout aussi positif: il se retrouve , il digère ce qu'il vient de vivre, il fait des projets, il réfléchit, il développe des stratégies. Il doit rester seul avec lui-même.

De même, un enfant est toujours en train de faire quelque chose quand on l'appelle, il n'est jamais désoeuvré et il faut lui laisser le temps de venir.

L'architecture familiale la nuit.

Parfois l'éducation que nous donnons contribue à ce que l'enfant ait des nuits perturbées: beaucoup de réveils d'enfants peuvent être plus pour rassurer les parents que pour un besoin de réveil propre à l'enfant. Le Dr Frenck nous décrit les différentes situations dans lesquels le parent va vers l'enfant qui l'appelle: les enfants de 9 mois-2ans qui ont peur la nuit sont peu nombreux. Mais certains parents répondent à des demandes très variées ( soif, mal de dent, faim…)

Il existe aussi des situations dans lesquelles les parents réveillent les enfants (hantise de la mort subite du nourrisson, pipi au toilette la nuit pour le rendre propre,…)

Quand l'enfant peut sortir de son lit, il va souvent vers le lit des parents. Or très tôt les enfants peuvent comprendre la nuance entre le lit des parents où ils sont acceptés et le lit conjugal où ils ne sont pas acceptés.

Le lit conjugal n'est pas pour les enfants sauf le dimanche matin (il devient alors le lit des parents!) et en cas d' urgence, pour venir appeler le père ou la mère qui est entrain de dormir. A ce moment là, le père ou la mère enlève sa casquette de conjoint pour mettre celle de parent et répond à l'appel de l'enfant.

Sous la question "Qui dort avec qui ?" est posé le problème des relations entre les différents membres de la famille: Que se passerait-il si les parents allaient dormir dans le lit de l'enfant ou dans le salon lorsque l'enfant vient dans le lit des parents? Le Dr Frenck décrit les différents mode d'occupation des lits dans la maison (la mère avec l'enfant dans le lit des parents, le père avec la télé dans le salon !, la mère au pied du lit de l'enfant,…) Si on tient compte des habitudes prises, on peut comprendre tous les mécanismes qui sont derrière ces troubles du sommeil.

Les troubles du sommeil

Qu'est ce qu'un trouble du sommeil ? qui présente un trouble du sommeil? qui se plaint? Qui est le plus dérangé par ce trouble du sommeil ? L'enfant lui ne demande rien, ce sont les parents et la famille qui sont troublées et alors ils consultent.

Un réveil nocturne doit être considéré comme un symptôme: il doit être décodé pour trouver des pistes pour agir. On comprend mieux ce symptôme si on se demande: que se passe-t-il quand l'enfant se réveille? Que fait Papa, Maman, que se passe-t-il avant, pendant et après le réveil? Puis la question suivante: à quoi peut servir à la famille, à l'enfant son réveil nocturne? Et puis: quel pourrait - être le bénéfice des uns et des autres au réveil nocturne de l'enfant? La famille fonctionne comme un corps, et la famille comme un tout a certains besoins. Des symptômes peuvent apparaître pour y répondre. Il y a beaucoup plus de réveils dans les familles où il y a un deuil, dans celles qui vivent un stress, des difficultés conjugales, …Dès que la tension électrique monte dans une famille, une des premières choses qui va apparaître comme symptôme est le réveil des uns ou des autres. Dans une famille vivant des difficultés conjugales, l' enfant peut se réveiller pour permettre aux parents de s'occuper de lui en laissant de coté leur conflit conjugal: les parents fonctionnent plus en tant que parents qu'en tant que conjoints.

Chacun des membres de la famille décrit les troubles du sommeil à sa façon et pour établir une stratégie il faut sortir une version officielle, une histoire commune à toute la famille.

En conclusion le Dr Frenck nous décrit une consultation étonnante.

Questions

  1. Considérez vous comme un trouble du sommeil, un enfant qui a de la peine à s'endormir ? Oui, il y a trois troubles: mon enfant à de la peine à s'endormir, mon enfant se réveille et mon enfant veut que je dorme avec lui.
  2. Que faut-il faire avec un enfant de 3 ans qui vient dormir avec nous si discrètement que nous ne nous apercevons de sa présence dans notre lit le matin? Il faut faire ce que vous avez envie de faire, s'il ne vous dérange pas, vous pouvez le laisser. Pourquoi vient-il toujours à la même heure? Parler avec le père, et être d'accord avec lui pour qu'il ne vienne pas dans votre lit. Il faut que vous soyez convaincu que vous refusez qu'il dorme avec vous, si l'enfant ne sent pas que vous êtes sûre de vous, rien ne marche.
  3. Le rêve éveillé: mon fils de 2 ans 1/2 reste éveillé dans son lit à la sieste et le soir, sans réclamer quoique ce soit. Est-ce un moment où il assimile? Oui c'est le moment où il digère sa vie, met en place plein de choses dans son esprit qui lui permettent d'être un peu plus grand le lendemain matin. C'est très important de le respecter et de le laisser.
  4. Ma fille de 4 ans me demande depuis 2 mois d'enlever sa couche la nuit. Elle n'est pas encore propre et si nous ne lui faisons pas faire pipi la nuit, elle mouille son lit. Mais vous avez dit que c'était un manque de respect à l'enfant que de le lever la nuit pour lui faire faire pipi? Que faire ? Mettre une alèze en plastique et attendre qu'elle soit mûre, mais moi je ne la lèverais pas la nuit. Mais je sais qu'il y a des collègues qui le font, mais moi je ne le ferais pas.
  5. Ma fille de 9 mois fait la sieste, mais si elle fait des rêves éveillés, à quel moment aller la chercher? Quand elle appelle mais pas avant.
    Dois-je proposer de moi-même à mon enfant de 5/6 ans de faire une activité intéressante ou bien est ce que je le laisse rêver? Est ce que je dois aller vers lui ou attendre qu'il vienne?
    Personne n'organise vos loisirs, vous vous organisez toute seule , et plus vous vous entraînez à les organiser, plus chouettes ils sont. Pour l'enfant c'est la même chose. On doit les aider à organiser eux -même leur loisirs, mais pas aller tout le temps au devant.
  6. Vous avez parlé des adolescents qui retardent l'heure de leur coucher. Mais les réveils sont très difficiles le lendemain. Si vous avez des pistes? Dans le réveil il y a une grande lutte de pouvoir. Et puis, nous avons de la peine à nous réveiller le matin quand on sait que ce qu'on va faire n'est pas excitant, alors, pour aller à l'école le matin…
  7. Ma fille de 3 ans se réveille 1 à 2 fois par nuit, elle vient dans ma chambre, je lui redonne sa lolette, la prend par la main, la remet dans son lit et elle se rendort quasi instantanément. J'aimerais savoir quelle est la meilleure attitude à adopter? Vous faites bien. Pourquoi est-ce qu'elle continue à se réveiller? Que se passe-t-il? Qui d'autre pourrait faire cela à votre place? Mon mari le fait aussi. Alors levez-vous tous les deux pour lui donner la lolette, discutez en avec votre mari et observez très attentivement ce qui se passe. Mais si vous aimez voir votre enfant la nuit, si vous travaillez toute la journée et que vous vous culpabilisez de ne pas avoir exercé votre rôle de mère pendant la journée, alors votre enfant vous offre la possibilité d'exercer ce rôle pendant la nuit, par son réveil. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec l'appellation de maman de jour car s'il y a une maman de jour, il y a une maman de nuit. Il faudrait les appeler des assistantes maternelles comme en France.
  8. Mon enfant de 3 ans fait une sieste très longue que j'ai du mal à interrompre. Mais s' il dort trop tard, le soir il ne se couche plus. Que faire? Est ce un manque de respect à son encontre que de le réveiller? Il faut trouver ce qui convient le mieux à toute la famille et choisir ce qui est le moins pénible pour tout le monde, car une sieste de 2 heures pour un enfant de 3 ans c'est déjà pas mal.
  9. J'ai un enfant de 2 ans qui nous empêche de dormir depuis 2 ans. Nous n'en pouvons plus. Que faire ? Vous pouvez vous faire aider car vous en parlez avec beaucoup d'émotion. Que fait le Papa? Que fait-il quand il se réveille? Il veut jouer. Avec vous ou avec son père? Avec moi. Le papa ne joue pas avec lui. C'est vous qui assumez tout et je ne suis pas sûr que le message soit dirigé vers vous. C'est vraiment une raison de consultation tout à fait valable.
  10. Mes 2 enfants de 6 et 8 ans veulent dormir la nuit ensemble mais ensuite ils sont fatigués. Que faire? C'est un moment très privilégié pour eux mais c'est à eux de sentir ce qu'ils doivent faire à cet âge là. S'ils sont fatiguées le lendemain c'est à eux de voir. Il y a une grande complicité dans la fratrie dont je n'ai pas parlé et qui existe.

Question posée par Internet

Mon fils de 2 ans et demi qui n'a jamais eu de problème de sommeil, se lève toutes les nuits pour dormir avec moi, sa mère. Nous avons beau le recoucher, il revient toujours et nous finissons souvent par craquer et envoyer dormir mon mari ailleurs. Faut-il laisser faire et attendre que cela passe ou intervenir fermement et comment? Nous envoyons mon mari dormir ailleurs. C'est qui nous, l'enfant et moi? Le mari et la femme doivent décider du droit de ce monsieur à avoir une part de lit. Il doit faire valoir ses droits!